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Interview de Rémi Dupouy, naturaliste de l’émission WILDLIVE EXPÉDITIONS sur Ushuaïa TV

Découvrez ci-dessous l’interview de Rémi Dupouy, naturaliste, réalisateur de documentaires, reporter, éleveur, nombreuses sont ses cartes de visites. Avec tout cela, il lance une émission sur Ushuaia TV, Wildlive expéditions

 

Pour cette première en TV, car WILDLive existait déjà via le média Brut nature, il s’arrête avec son équipe en Provence. Nous abordons ci-dessous ensemble ce reportage, sa vision du monde et j’en passe. Pour les plus intéressés, le documentaire réalisé par Jeremy Frey sera de nouveau diffusé sur Ushuaia TV le 03 février à 16h20, le 06 février à 11h05, puis en replay pour une durée de 2 mois.

Comment, en quelques mots, phrases, expliqueriez-vous ce qu’est un naturaliste ?

Un naturaliste est quelqu’un qui s’intéresse et étudie les sciences naturelles. Il en existe plusieurs catégories plus ou moins bien définies. Le naturaliste amateur est un particulier curieux et passionné qui observe la vie sauvage et échange à son sujet avec d’autres passionnés ; le naturaliste scientifique est un biologiste qui étudie la biologie (le mode de vie) des espèces sauvages, ou un écologue qui pratique un suivi de l’état des milieux naturels ou écosystèmes ; le naturaliste expert est un scientifique spécialisé dans l’étude d’un « cas naturel » donné faisant référence dans son domaine et qui contribue à former d’autres naturalistes.

Enfin, un peu hors catégorie, l’auteur ou reporter naturaliste que je suis est un peu des trois. Il est un amateur éclairé dans le sens où il n’a pas étudié les sciences naturelles par la voie universitaire, mais où il possède par l’expérience une solide connaissance du vivant, des mécanismes naturels et évolutifs, comme des différentes espèces et de leurs mœurs. Par son caractère nécessairement généraliste, il ne cherche pas à se spécialiser mais plutôt à s’intéresser à la biodiversité dans son ensemble. Parfois, il se spécialise un peu en fonction de ses propres préférences, dans mon cas les oiseaux, l’ours, le lien homme-animal, la domestication.

Pourquoi avoir choisi la Provence pour cette première émission de Wildlive expéditions ?

L’équipe d’Ushuaïa TV s’est montrée enthousiaste à l’idée de tourner notre première expédition en Provence, qui est l’une des régions les plus riches de France d’un point de vue naturaliste. Elle fait partie d’un « point chaud » de biodiversité ou hotspot dans la liste constituée par l’Université d’Oxford dans les années 90 et reconnue par la plupart des grands organismes de conservations du monde : celui du Bassin méditerranéen. Mais pas seulement ! Outre ses fonds marins et sa longue côte à la fois rocheuse, vaseuse et sablonneuse, elle comprend aussi le grand delta d’un fleuve majeur (la Camargue et le Rhône), des steppes arides, des barres rocheuses, des garrigues et maquis, et des montagnes !

Une mosaïque d’écosystèmes qui accueillent une diversité d’espèces proportionnellement riche. En plus de cela, le Congrès mondial de la nature de l’UICN doit avoir lieu cette année à Marseille après un report. Nous y serons présents et en bonne place, ainsi que le film, aux côtés de notre partenaire le Comité français de l’UICN et de la chaîne

© Sandra Bérénice Michel
© Sandra Bérénice Michel

A un moment du documentaire, vous êtes en Méditerranée dans un lieu protégé (le parc des Calanques), et là vous apercevez des pêcheurs, qui sont présents en toute impunité et ne respectent pas les règles. Que ressentez-vous à cet instant?

Le braconnage en France n’est pas ou n’est plus une image d’Epinal vaguement romantique (cf. le roman Raboliot de Genevoix). C’est une triste réalité qui impacte largement nos espèces et espaces. A cet instant, nous ressentons l’étendue du problème, qui se déroule parfois en plein jour, et dont les protagonistes espèrent passer entre les mailles du filet. Mais notre engagement est aussi un combat de longue haleine, plus par la mise en lumière que par l’intervention certes, mais c’est la voie que j’ai choisie. Je suis donc indigné mais chaque jour plus résolu.

Un moment marquant dans le documentaire, est la pollution que l’on trouve en mer Méditerranée. Lors d’une plongée, les bancs de poissons laissent place aux bouteilles en plastique et bien d’autres. C’est assez déroutant de voir cela si proche de nous. Quel regard portez-vous sur cette différence entre les eaux en zone protégée, puis ses alentours?

Je ne peux porter que le regard de l’évidence. J’essaie toujours d’éviter de tomber trop facilement dans le catastrophisme, mais là, difficile de nier ce que l’on voit partout sur les côtes de France et du Monde : dès que l’on met le nez sous l’eau, la pollution est partout palpable. Et quand ce n’est pas visible, c’est une pollution chimique ou sonore. Bien sûr, les zones protégées font exception, mais est-ce normal de saccager à ce point ce qui n’est pas protégé ? Il faudrait tout repenser : notre manière de consommer, de produire, de nous déplacer, d’arpenter les milieux terrestres, côtiers et marins…

Quand on sait, que toute cette pollution vient de l’homme. Qu’il est (je pense), capable de comprendre les enjeux et prendre conscience de ce qu’il fait. Pourtant, il ne fait rien d’impactant, qu’est-ce qu’on a envie de dire, de crier?

EDUCATION. Pour les petits… comme pour les grands. L’océan ne va pas disparaître, mais j’espère que nous trouverons des solutions officielles pour endiguer ses souffrances, des solutions qui impliquent le collectif et touchent toutes les générations.

Via les rencontres que vous faites lors de ces expéditions (Julien – Manadier, Hélène – biologiste Marine, les bergers etc), et leurs approches de la nature, leurs travails de tous les jours, en tirez-vous une dose d’espoir pour l’avenir?

Oui, heureusement. Nous cherchons ces pépites qui montrent l’exemple – parfois sans le savoir – et capitalisons sur elles à l’écran. Le plus souvent, il faut à travers les discussions, les faire accoucher de ce qu’elles pensent, expérimentent, mais ne formulent pas toujours. Des héroïnes et héros de l’action dont il faut recueillir la parole pour en mettre en valeur les vertus.

© Sandra Bérénice Michel

Vous dites lors du passage en Camargue « La nature c’est ça, de l’adrénaline, un peu de violence, de la paix dans l’air, de la cohabitation. L’homme est au coeur de tout ça quand il conduit bien et connaît son milieu ». Le monde ne devrait-il pas ressembler un peu plus à la Camargue, dans sa cohabitation avec la nature?

A travers cette phrase, j’ai voulu rappeler ce qu’était la nature, et ce que devait être le fruit de notre rapport à elle. Tout n’est pas doux, il y effectivement de la dureté en elle. Mais pas d’acharnement, pas de vices, et une place pour chacun.e.

La Camargue, terre bioculturelle s’il en est, est belle et plurielle, les espèces qui y vivent, hommes inclus, sont interconnectées. Mais elle n’est pas parfaite. On pourrait même faire un film entier sur ce qu’il s’y passe de regrettable. Mais notre rôle n’est pas de passer notre temps à dénoncer, d’autres le font très bien. Nous, on cherche la « troisième voie », impalpable pour le grand public, souvent abstraite ou difficile à définir. Une voie intégrante qui ne tombe pas dans les extrêmes ou les utopies, mais qui véhicule une poésie et une tolérance suffisantes pour toucher et inspirer.

Quelle sensation, émotion avez-vous quand après tant d’attente, difficultés (je pense au bateau par temps de mistral par exemple), vous apercevez enfin l’animal que vous vouliez tant voir, et qu’il évolue en toute quiétude dans son environnement naturel ?

On se sent à sa place, apaisé, heureux. Récompensé par la nature de l’avoir cherchée passionnément. Et à la fois, on se sent responsable de notre comportement, et de ce que l’on va transmettre à son sujet.

© Sandra Bérénice Michel

Peut-on voyager tout en étant respectueux de la nature ?

Bien sûr, si le voyage est plus qualitatif que quantitatif, il est même bienvenu. A condition de na pas confondre voyage et tourisme de masse. C’est en s’ouvrant aux réalités de l’ailleurs qu’on relativise ou interprète mieux celles de chez nous ! Comme disait Montaigne « L’homme fait le voyage, le voyage fait l’homme »… Je pense qu’on respecte davantage sa nature profonde en ouvrant sa pensée à celle des autres, en acceptant d’autres paradigmes et en embrassant d’autres cultures. Ainsi, on apprend à aimer le monde et la nature qui le compose.

Quelles sont vos propositions pour un meilleur respect de la nature dans son entièreté ?

Apprendre à son sujet, se documenter, cultiver sa curiosité. Savoir nommer les arbres, s’interroger sur la nature d’une roche, ou d’un oiseau, c’est le début d’une compréhension plus globale qui aide à s’inscrire, et à penser son action, la portée de ses comportements. Je n’ai pas d’autres clés que d’aider mon prochain à lire, et ressentir ce qui nous entoure.

On a abordé la Camargue juste au dessus, mais y a-t-il réellement, dans notre mode de vie actuel, une place pour vivre en harmonie avec la nature ?

Bien sûr, à chaque instant. Chaque produit acheté, chaque destination choisie, chaque cadeau offert, chaque parole ou décision, chaque vote, chaque geste d’éducation, est déjà un pas en ce sens. On peut vivre en ville mais orienter sa vie vers un respect de la planète. L’harmonie suprême, c’est plus une quête, un graal qu’on n’atteint jamais, mais un chemin riche en enseignements. Ce qu’il faut davantage intégrer à nos sociétés, c’est bien sûr le contact avec la nature, mais aussi une bienveillance en tout et pour tout. Ça nous manque cruellement.

© Sandra Bérénice Michel

Pas tant une question, mais « réflexion ». Je trouve super d’avoir choisi la France pour cette première. Pourquoi? Parce qu’on a un pays magnifique, une faune et une flore incroyable (si on arrive la respecter), et que malheureusement on a toujours tendance à penser qu’un voyage doit se faire loin pour que le dépaysement se fasse. Parfois regarder à côté de chez soi est tout autant agréable, voir plus, et vous l’avez encore démontré avec ce beau documentaire.

Merci beaucoup ! Il faut apprendre à explorer son coin avec la même énergie et le même bonheur… que le bout du monde !


Pour suivre en apprendre plus sur Rémi Dupouy et Wildlive : 

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